
Lorsque Facebook a acquis WhatsApp en 2014 pour 19 milliards de dollars, l’application prônait une ligne claire : pas de publicité, pas de distractions, seulement des échanges privés et sécurisés. Cette philosophie, impulsée par les fondateurs Jan Koum et Brian Acton, a forgé l’identité du service. Mais plus d’une décennie plus tard, Meta franchit le pas.
Publicités limitées mais ciblées
Les premières annonces sponsorisées apparaîtront exclusivement dans l’onglet « Actus », utilisé par environ 1,5 milliard de personnes quotidiennement. Ces publicités ne perturberont pas les conversations privées, qui resteront chiffrées de bout en bout. Meta s’engage à ne pas exploiter le contenu des messages pour le ciblage, mais utilisera des données comme la localisation, la langue, ou les interactions avec les chaînes et les annonces.
Nikila Srinivasan, vice-présidente de la gestion des produits chez WhatsApp, affirme que “les messages personnels, appels et statuts resteront protégés par un chiffrement robuste”. Cette promesse vise à rassurer les utilisateurs attachés à la confidentialité de la plateforme.
Nouveaux formats et monétisation des chaînes
Outre l’introduction des publicités, WhatsApp propose désormais aux créateurs de contenus de proposer des abonnements payants via les chaînes. Ces canaux de diffusion, semblables aux stories Instagram, permettent d’envoyer des messages à un large public. Les administrateurs pourront promouvoir leur chaîne via des annonces et monétiser l’accès à du contenu exclusif. À terme, Meta prélèvera une commission de 10 % sur ces abonnements, sans compter les frais additionnels éventuels des plateformes de distribution.
WhatsApp permettra également aux entreprises de publier des annonces sous forme de statuts éphémères et interactifs qui redirigeront vers un chat avec la marque.
Vers une plateforme commerciale à grande échelle
Avec cette initiative, Meta espère transformer WhatsApp en un pôle de revenus aussi puissant que Facebook ou Instagram. L’entreprise génère déjà des milliards via les publicités “click to message”, qui redirigent les utilisateurs de Facebook et Instagram vers WhatsApp ou Messenger pour discuter avec des entreprises.
Si cette offensive publicitaire ouvre des perspectives lucratives, elle suscite aussi des inquiétudes. Certains experts estiment que cette évolution pourrait heurter la base d’utilisateurs, notamment en Europe et au Royaume-Uni, où WhatsApp est avant tout perçue comme une application de messagerie discrète.
WhatsApp traîne déjà un passif en matière de confidentialité. En 2021, un changement des conditions d’utilisation avait provoqué un tollé mondial, perçu comme une volonté d’accroître le partage de données avec Facebook. Cette fois, Meta insiste sur la transparence : le croisement des données entre ses plateformes est facultatif et sous contrôle de l’utilisateur.
En parallèle, WhatsApp s’est récemment opposée aux tentatives du gouvernement britannique de compromettre le chiffrement des messages dans le cadre de la lutte contre la criminalité.
Une discrète métamorphose
À travers ces nouveaux outils, Meta cherche à élargir l’usage de WhatsApp sans heurter frontalement ses usagers. Les changements se veulent progressifs et cantonnés à des sections périphériques de l’app. Mais la frontière entre messagerie privée et réseau social se fait de plus en plus floue.