Voici votre article enrichi avec une partie consacrée à la contribution de la FFTélécoms :
Alors que la Commission européenne évalue sa Recommandation de mai 2023 sur la lutte contre le piratage en ligne des événements sportifs et autres manifestations en direct, EuroISPA (l’association des fournisseurs d’accès à Internet en Europe) publie une contribution critique. Elle alerte sur les dérives de certaines pratiques nationales qui risquent, selon elle, de compromettre l’équilibre entre efficacité et respect des libertés numériques.
Des blocages disproportionnés
EuroISPA reconnaît la nécessité de s’attaquer au piratage en ligne mais s’inquiète de l’orientation prise par plusieurs États membres et ayants droit. En ligne de mire : les mesures de blocage de sites, jugées souvent disproportionnées. « Les FAI ne sont pas en mesure de retirer un contenu illégal à sa source », rappelle l’organisation. Leur rôle se limite généralement au blocage de noms de domaine, ce qui s’avère techniquement inefficace et juridiquement risqué.
Des délais irréalistes
Parmi les propositions controversées, l’idée d’imposer aux intermédiaires le retrait de contenus dans un délai de 30 minutes est particulièrement critiquée. EuroISPA prévient : une telle contrainte pousserait à la suppression préventive de contenus légaux, par crainte de sanctions. Une mesure contre-productive, surtout pour les petites entreprises qui n’ont ni les ressources ni les outils pour une vérification juridique rapide.
Des exemples inquiétants en Europe
Plusieurs cas nationaux illustrent les risques évoqués :
- En Italie, la plateforme “Piracy Shield” permet de bloquer des sites suspects sans contrôle judiciaire. Résultat : en février 2024, une erreur a bloqué l’accès à Google Drive dans tout le pays pendant plus de 12 heures.
- En Espagne, une décision de justice obtenue par LaLiga et Movistar+ a bloqué des milliers de sites légitimes, les adresses IP ciblées étant partagées par de nombreux services.
- En Autriche, une requête mal ciblée a entraîné le blocage de sites d’ONG, de médias et de boutiques en ligne.
- En France, l’ARCOM a signalé une explosion des blocages d’offres IPTV illicites, avec un risque croissant d’erreurs de ciblage.
- En Belgique, en revanche, la gestion par les autorités de la détection des sites miroirs assure une meilleure sécurité juridique, selon EuroISPA.
Préserver un Internet ouvert
L’organisation plaide pour un Internet sûr mais ouvert, et rejette toute obligation de surveillance généralisée par les fournisseurs. « Ces mesures sont contraires à l’esprit du Digital Services Act (DSA) », indique EuroISPA, qui exhorte la Commission à attendre une mise en œuvre complète du DSA avant d’imposer de nouvelles règles.
Plutôt que de multiplier les injonctions judiciaires, EuroISPA appelle à une collaboration renforcée entre ayants droit et intermédiaires techniques. L’organisation insiste sur la nécessité de dédommager les FAI pour les coûts induits par les blocages et de respecter un équilibre entre lutte contre le piratage et préservation des droits fondamentaux.
La FFTélécoms défend le modèle français
Dans cette même consultation, la Fédération Française des Télécoms (FFTélécoms) — qui compte les principaux opérateurs sauf Free parmi ses membres — plaide, elle, pour une approche nationale. Elle met en avant l’efficacité du dispositif français fondé sur l’article L.333-10 du Code du sport, qui permet le blocage rapide des sites pirates, encadré par l’ARCOM et les juridictions. Depuis 2022, plus de 7 000 domaines ont été bloqués grâce à ce mécanisme.
La FFTélécoms insiste toutefois sur trois principes essentiels : les FAI ne doivent agir que sur ordre d’une autorité judiciaire ou administrative ; ils doivent pouvoir choisir librement les moyens techniques utilisés ; et leurs coûts doivent être compensés. Un accord conclu en 2023 entre FAI et ayants droit encadre ces pratiques.
La fédération appelle également à une responsabilisation de l’ensemble des intermédiaires numériques — moteurs de recherche, hébergeurs, fournisseurs DNS et VPN — dans la lutte contre le piratage.
Alors que la Commission doit rendre son évaluation finale d’ici novembre 2025, EuroISPA espère que son message sera entendu : « Ne sacrifions pas la neutralité du net et la stabilité de l’Internet européen sur l’autel de la précipitation. »