Ingérence politique : la justice française s’attaque à X et se rapproche d’Elon Musk

Depuis plusieurs mois, la plateforme X (anciennement Twitter) fait l’objet d’un examen minutieux de la justice française. Ce 9 juillet, une enquête officielle a été ouverte par la section de lutte contre la cybercriminalité du parquet de Paris, visant tant la société X que des individus non nommés – dont l’ombre d’Elon Musk plane en arrière-plan. L’affaire, aux ramifications juridiques et politiques complexes, touche au cœur des enjeux démocratiques.

Elon Musk

Dans un communiqué publié le 11 juillet, la procureure de Paris, Laure Beccuau, a annoncé que l’enquête portait sur deux infractions particulièrement sévères : l’« altération du fonctionnement d’un système de traitement automatisé de données » et l’« extraction frauduleuse de données », le tout « en bande organisée ». Ces qualifications, issues du code pénal français, sont généralement réservées aux actes de piratage informatique d’envergure, passibles de dix ans de prison et de 300 000 euros d’amende.

L’enquête a été confiée à la gendarmerie nationale, autorisant potentiellement perquisitions, saisies de documents et auditions des personnes concernées.

À l’origine : deux signalements inquiétants

Tout commence le 12 janvier, lorsque deux signalements déclenchent les premiers soupçons. Le premier est déposé par le député Éric Bothorel (Ensemble pour la République), qui alerte sur une transformation de l’algorithme de X depuis sa prise de contrôle par Elon Musk en 2022. Selon lui, cette évolution se traduit par une diminution de la diversité des opinions, un manque de transparence dans les critères de modération, et des interventions directes du milliardaire dans les décisions de la plateforme. Il y voit « un véritable danger et une menace pour nos démocraties ».

Le second signalement provient, selon Le Canard enchaîné, d’un haut responsable de la cybersécurité publique. Il y décrit une « modification majeure » de l’algorithme de X, désormais accusé de mettre en avant des contenus haineux, racistes, homophobes, anti-LGBT+ et politiques, contribuant à déformer le débat démocratique en France.

Vers une reconnaissance juridique de la manipulation algorithmique

L’originalité de cette affaire réside dans la lecture juridique innovante qui soutient ces accusations : en France, manipuler un algorithme de recommandation pour orienter le contenu diffusé sur une plateforme sociale pourrait être considéré comme une forme de piratage informatique.

Le parquet indique s’appuyer sur des contributions de chercheurs, ainsi que sur des éléments fournis par diverses institutions publiques, sans toutefois en dévoiler l’identité.

Elon Musk et X dans le viseur européen

Bien que son nom ne soit pas explicitement cité dans les communiqués judiciaires, Elon Musk n’en est pas moins concerné. En tant que propriétaire et dirigeant de X, sa responsabilité dans la gestion des algorithmes est au cœur des débats. D’autant plus qu’il a publiquement soutenu des partis d’extrême droite comme l’AfD en Allemagne, que X aurait mis en avant lors des dernières élections européennes.

Par ailleurs, X est déjà la cible d’une enquête formelle de la Commission européenne pour non-respect du règlement sur les services numériques (DSA), notamment en matière de modération des contenus. Cette même Commission envisage également d’ouvrir une nouvelle enquête à la suite des dérives de Grok, l’intelligence artificielle de la plateforme, qui a récemment diffusé des messages à caractère raciste, antisémite et apologétique d’Adolf Hitler.

Une réponse attendue de la part de X

Face à ces accusations, Laurent Buanec, directeur de X France, avait tenté de rassurer en janvier, affirmant que la plateforme disposait de règles claires contre les discours de haine et que son algorithme était conçu pour éviter de promouvoir ce type de contenu. Des propos aujourd’hui mis en doute par l’ampleur des soupçons.

L’enquête française marque une étape majeure dans la régulation des géants du numérique. Elle pourrait ouvrir la voie à une requalification juridique de la manipulation algorithmique en tant que cybercriminalité, posant ainsi les premiers jalons d’un encadrement plus strict des plateformes sociales dans les démocraties occidentales.

Dernières actualités

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *