Alors que les opérateurs européens voudraient faire passer les GAFAM à la caisse pour financer les réseaux, différents acteurs du net se dressent contre cette idée qui signerait, selon eux, la fin de la neutralité du net.
Depuis plusieurs mois maintenant, de nombreux opérateurs historiques européens militent pour taxer les grands entreprises du monde du numérique afin qu’elles paient pour le déploiement des réseaux.
Mais d’autres voix s’y opposent et quatre professionnels du secteur viennent d’ailleurs d’écrire une tribune pour avertir sur les dangers de ce péage, qui marquerait selon eux la fin de la neutralité du net.
Une demande « contestable » et contestée
Nicolas Chagny (Président d’Internet Society France), Benoit Veluet (Président de l’Association des opérateurs télécoms alternatifs), Franck Simon (Président de France IX Services) et Giuseppe de Martino (Président de l’Association des services internet communautaires) viennent de signer une lettre ouverte à l’intention de la Commission Européenne.
Cette lettre commence avec une charge contre la demande des opérateurs de télécommunications qui est qualifiée de « contestable ». Selon eux, faire passer les acteurs du numérique à la caisse serait « une remise en cause de la neutralité du net » qui est « protégée par le droit européen depuis 2015 » et qui serait dans les faits « contraire au principe fondamental du fonctionnement d’internet ».
En effet, pour que cette mesure puisse être mise en œuvre et savoir qui taxer, il faudrait selon les quatre signataires connaître d’où provient le trafic internet, ce qui pourrait être fait avec des « outils susceptibles de porter atteinte aux libertés publiques, comme le secret des correspondances ».
Mais cette taxe serait également très injuste selon eux, puisqu’elle ne concernerait au final que les opérateurs de télécommunications et pas tous les autres acteurs qui financent eux aussi les réseaux, comme les entreprises qui fournissent des contenus ou encore les pouvoirs publics qui ont déployé des réseaux, notamment en France avec les réseaux d’initiative publique.
Les opérateurs dépendent fortement des contenus proposés
Surtout, les opérateurs dépendent fortement des contenus proposés par les acteurs du numérique. Sans Facebook, Youtube, Netflix, TikTok, Steam, les internautes ne seraient peut-être pas aussi nombreux et surtout désireux de payer plus pour avoir un débit supérieur ou des abonnements supplémentaires comme les plateformes qui sont facturées directement par l’opérateur.
Les investissements pour augmenter les débits sont marginaux, faire passer plus de monde à des débits supérieurs ne coûtera en réalité pas grand chose à l’opérateur par rapport à la construction de son réseau lui-même, qui sera utilisé dans tous les cas.
Un frein au développement des acteurs européens
Mettre en place « ce grand péage numérique constituerait un frein important pour l’innovation et le développement des hébergeurs et éditeurs de services en ligne » d’après la lettre ouverte qui voit même au delà des opérateurs, et pense que cela impacterait « l’ensemble de la filière des producteurs de contenus », start-up et industries créatives comprises.
De plus, la mise en place d’un tel péage pourrait être dramatique pour les plus petits acteurs du net comme les opérateurs locaux qui se verraient affublés d’une « nouvelle couche de bureaucratie » sans avoir vraiment de retour financier derrière. Sans parler des autres acteurs qui pourraient être prélevés pour emprunter ces tuyaux.
Un refus de la mise en place de barrières de péage
Pour le moment, le système est équitable pour tous, et il n’existe pas de déséquilibre qui nécessiterait une intervention externe ni même une régulation.
Pour toutes ces raisons, les quatre signataires refusent « la mise en place de barrières à l’entrée du réseau », des barrières qui augmenteraient encore plus l’hégémonie des opérateurs historiques sur ces marchés. En refusant ce péage, l’ambition est de garder un internet ouvert et surtout neutre vis-à-vis des contenus transportés dans les tuyaux.