Sous pression, Microsoft lance une enquête interne sur l’usage militaire de sa plateforme Azure par Israël

Face à de lourdes accusations concernant l’utilisation de ses services dans des opérations de surveillance en Israël, Microsoft a annoncé l’ouverture d’une enquête externe « urgente ».

Manifestation de No Azure For Apartheid, un mouvement de salariés de Microsoft qui demande l'arrêt des contrats avec Tsahal

Tout a commencé par une enquête conjointe du Guardian, du média israélo-palestinien +972 Magazine et du site hébraïque Local Call. Leurs investigations ont mis en lumière l’existence d’une base de données massive contenant des millions de conversations téléphoniques interceptées quotidiennement à Gaza et en Cisjordanie. Ces fichiers audio, selon leurs sources, seraient stockés dans une zone dédiée et personnalisée de la plateforme Azure.

Le système, mis en place depuis 2022, aurait été conçu pour absorber jusqu’à un million d’appels à l’heure. Les révélations indiquent que cette technologie pourrait avoir été utilisée pour localiser des cibles de bombardement et justifier des arrestations ou des assassinats.

Une réponse sous pression après de nouvelles révélations

Dans son communiqué, l’entreprise reconnaît avoir entendu les inquiétudes d’employés et d’observateurs concernant un éventuel usage militaire de ses outils dans le cadre du conflit. Elle affirme avoir interrogé plusieurs dizaines de salariés et examiné divers documents sans identifier, à ce stade, de manquement aux règles d’utilisation ni d’atteinte aux droits humains imputables à ses services.

Microsoft précise que sa relation avec le ministère israélien de la Défense repose sur un contrat commercial classique : fourniture de logiciels, services professionnels, solutions cloud et outils d’IA, dont la traduction automatique. Comme pour tout client gouvernemental, l’utilisation de ces technologies est encadrée par des règles strictes, incluant le respect de son code de conduite sur l’IA et de sa politique d’utilisation acceptable.

L’entreprise admet toutefois avoir accordé, dans les semaines suivant l’attaque du 7 octobre 2023, un accès exceptionnel et temporaire à certaines de ses technologies afin d’aider aux opérations de sauvetage d’otages. Cette assistance, dit-elle, a été délivrée de manière limitée, avec validation ou refus au cas par cas, et dans le respect des droits fondamentaux.

Un précédent déjà contesté

Il s’agit de la deuxième enquête officielle lancée par la firme. La première, clôturée en mai 2025, avait conclu qu’aucune preuve n’indiquait que ses services avaient été utilisés pour nuire à des civils. Mais cette réponse avait été jugée insuffisante par des organisations de défense des droits numériques et par des employés de l’entreprise, en raison notamment des limites d’accès aux données et à l’environnement cloud contrôlé par le client militaire.

L’enquête du Guardian et de ses partenaires évoque la possibilité que certains employés basés en Israël aient délibérément omis de transmettre des informations sur l’utilisation d’Azure par l’armée. Ces inquiétudes ont relancé les débats internes sur la transparence des contrats militaires et sur la capacité réelle de l’entreprise à contrôler l’usage de ses technologies par ses clients étatiques.

Microsoft a également reconnu avoir été informé dès 2021 des projets de l’armée israélienne de transférer d’importants volumes de données vers son infrastructure cloud. L’entreprise affirme cependant que ses plus hauts dirigeants, dont le PDG Satya Nadella, n’étaient pas informés que ces transferts incluraient des contenus issus de communications interceptées.

Une contestation salariale sans précédent

En parallèle, la fronde interne s’amplifie. Le collectif « No Azure for Apartheid », composé de salariés actuels et anciens de Microsoft, critique vivement la stratégie de l’entreprise, l’accusant de « complicité dans des crimes de guerre ». Pour ses membres, cette nouvelle enquête n’est qu’« une manœuvre pour gagner du temps » et éviter de répondre aux demandes centrales : couper les liens avec l’armée israélienne et rendre publics les contrats concernés.

Depuis plusieurs mois, ce mouvement a perturbé des événements publics de Microsoft, provoqué des licenciements et déclenché des démissions en chaîne. Certains employés ont dénoncé une politique de censure interne, notamment le blocage de termes comme « Gaza » ou « Palestine » dans les communications internes, perçu comme une atteinte à la liberté d’expression.

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