La publication cette semaine des orientations de l’ARCEP sur le marché fixe a provoqué une véritable levée de bouclier chez Orange, seul opérateur mentionné (42 fois) dans le texte.
A l’unanimité, la direction et les syndicats protestent contre l’analyse du régulateur sur la Fibre. Au contraire, les concurrents semblent satisfaits des orientations du régulateur.
Tour d’horizon des réactions.
Les réactions chez Orange
Le syndicat CFE-CGC Orange
La réponse la plus complète provient du syndicat CFE-CGC Orange qui pointe des erreurs d’analyse du régulateur : déployer la fibre dans les immeubles ne serait pas plus facile pour Orange que pour les autres opérateurs.
Le syndicat dénonce aussi la prise de position du régulateur sur l’accord de déploiement en zones moyennement denses, pourtant validé par l’ARCEP et l’Autorité de la concurrence en 2011.
Si l’accord prévoit un déploiement à 80% par Orange et à 20% par SFR dans le ZMD, l’opérateur de Patrick Drahi souhaite aujourd’hui aller plus loin.
« Le réseau fibre d’Orange est ouvert à tous les acteurs du marché, tous ses points de mutualisation sont déployés partout où la fibre d’Orange est tirée, et tous les opérateurs peuvent s’y raccorder comme ils le souhaitent, et comme le prévoit la réglementation en vigueur »
CFE-CGC Orange
Le syndicat dénonce le changement des règles après l’adoption du principe de la concurrence par les infrastructures en 2011 pour les zones très denses (ZTD). « La stabilité du contexte réglementaire est un élément clef de sécurisation pour les acteurs et ce d’autant plus que la concurrence est forte » selon la CFE-CGC d’Orange. Retrouvez le communiqué complet dans la partie commentaires.
La direction d’Orange
Plusieurs responsables de l’opérateur ont réagit sur Twitter :
Stéphane Richard, PDG d’Orange
.@sorianotech: la France en retard sur le THD, il faut donc s’attaquer à @orange, seul opérateur qui investit massivement. Cherchez l’erreur
— Stéphane Richard (@srichard) 10 janvier 2017
Équité entre acteurs et stabilité: voilà ce à quoi devrait s’attacher la « régulation pro-investissement ». C’est ce que recommande l’Europe!
— Stéphane Richard (@srichard) 11 janvier 2017
Pierre Louette, directeur général délégué Orange
L’avance acquise en #FttH s’est faite à la force des CAPEX @orange, nous ne sommes pas responsables des erreurs stratégiques des concurrents
— Pierre Louette (@LouettePierre) 9 janvier 2017
le DG délégué a également accordé une interview au quotidien Le Monde dont voici un extrait :
« Plutôt que d’évoquer notre supposé monopole, il faudrait plutôt parler des erreurs stratégiques et des errements de nos concurrents. Iliad s’est lancé dans la fibre en 2007 en même temps qu’Orange. Quand nous avons commencé à nous déployer dans les zones très denses, tout le monde pouvait le faire. SFR, qui a connu plusieurs actionnaires, a changé d’avis. Nous ne sommes pas responsables de l’impéritie de nos concurrents. Depuis, ceux qui le souhaitent, peuvent se rattraper. Iliad a cofinancé la construction de 5 millions de prises haut débit FTTH. Ceux qui ne l’ont pas fait sont évidemment très en retard »
Pierre Louette dans Le Monde
Laurentino Lavezzi, directeur des affaires publiques Orange
Il nous faut la fibre ✅
Il faut plus de régulation? ⚠️
Ce qu’il faut, amis de ByT, c’est – gémir et + investir 🙂
Pas de 💪 pas de 🍫 ! https://t.co/8We2iNRbTr— laurentino lavezzi (@l_lavezzi) 11 janvier 2017
Les réactions chez les autres opérateurs
Les autres opérateurs sont logiquement satisfaits de l’analyse de l’ARCEP, même si le DG de Free est mitigé :
Maxime Lombardini, directeur général de Free
Free attendait plus et les propositions de l’ARCEP ne sont pas une « révolution » pour le DG, qui rappelle les pratiques passées d’Orange qui expliqueraient son avance dans la Fibre :
« Entre 2006 et 2010, Orange s’est réservé l’usage quasi exclusif des fourreaux dans les zones très denses, là où ses concurrents sont les plus forts. Pour déployer la fibre, les autres opérateurs devaient creuser leurs propres tranchées ou passer par les égoûts. Evidemment, c’était beaucoup plus long et moins efficace »
« Mais pendant ces premières années, Orange a couvert une zone considérable et s’est fait une place de choix dans les immeubles dont il tire profit aujourd’hui. Leur avance ne repose donc pas seulement sur l’investissement et le talent… »
Maxime Lombardini dans Les Echos
Michel Paulin (DG de SFR)
OUI à l’investissement efficace, OUI à une répartition équilibrée des zones moins denses #FIBRE #ARCEP #SFR https://t.co/wHqIQmuM5O
— Michel Paulin (@michel_paulin) 11 janvier 2017
Olivier Roussat (PDG de Bouygues Télécom)
.@ARCEP la fibre est bonne pour la France ; la concurrence est bonne pour la fibre. Oui à plus de régulation de la fibre. https://t.co/yAJhuhG8kc
— Olivier Roussat (@OlivierRoussat) 11 janvier 2017
Pas de conflit entre l’ARCEP et Orange
Invité de BFM Business ce jeudi 12 Janvier, le président de l’ARCEP, Sébastien Soriano, a voulu calmer le jeu :
S’il y a un conflit dans les télécoms ce n’est pas entre le régulateur et Orange mais entre les opérateurs. Et le rôle du régulateur est d’être un arbitre équitable. Pour cela, notre boussole c’est l’investissement. Nous voulons booster l’investissement
Sébastien Soriano, Président de l’ARCEP sur BFM Business
Communiqué complet de la CFE-CGC Orange
Nouvelles contraintes réglementaires sur la fibre : injustes et contre-productives pour la croissance et pour l’emploi en France.
Dans une interview aux Échos, Sébastien Soriano, président de l’Arcep, a explicité la note d’orientation des marchés fixes publiée par le régulateur français des télécoms en vue d’imposer à Orange de nouvelles contraintes réglementaires sur la fibre.
Guidées par la seule idéologie aveugle de la concurrence, et visant à punir, une fois de plus, l’opérateur dont le défaut majeur est d’être issu d’un ancien monopole d’État, les mesures envisagées pourraient conduire à une délocalisation des investissements d’Orange, au détriment de la croissance et des emplois en France.
L’Arcep et le gouvernement français veulent-ils prendre cette responsabilité ? Nous en appelons au gouvernement pour qu’il intervienne.
L’Arcep veut imposer de nouvelles contraintes à Orange sur la Fibre
Les mesures envisagées sont de deux ordres :
Il s’agit pour le moment d’une consultation publique des opérateurs, qui pourrait déboucher sur des modifications réglementaires au second semestre 2017.
Erreurs d’analyse…
Commençons par détruire une idée fausse : déployer la fibre dans les immeubles n’est pas plus facile pour Orange que pour les autres opérateurs, il n’a aucun lien privilégié avec les gestionnaires de copropriétés. L’ouverture du marché est en place depuis maintenant près de 20 ans, et cela fait belle lurette que les compteurs ont été remis à zéro.
Les chiffres ne sont pas publics, mais le régulateur, qui dispose des données fournies par les opérateurs, devrait notamment savoir que Free est très bien positionné dans les immeubles des zones denses. Et si Orange est prêt à aider ses concurrents dans le cadre d’une coopération de gré à gré, une régulation contraignante pourrait au contraire gripper le processus.
Quant au marché des entreprises, l’Arcep voudrait qu’Orange développe une offre « sur mesure » spécifiquement dédiée à l’insertion sur le marché un opérateur supplémentaire sans réseau en propre, pour faire de la vente en gros aux autres opérateurs. Là encore, notons qu’Orange ne bloque en rien l’accès des autres opérateurs aux marché des entreprises, qui peuvent d’ores et déjà bénéficier d’offres sur mesure en direct sur ses infrastructures.
Surtout, on voit mal en quoi ajouter cet intermédiaire supplémentaire serait de nature à accélérer les déploiements et les investissements dans la fibre. Cela ne ferait qu’ajouter de la complexité… alors que la régulation française est déjà la plus compliquée du monde !! À telle enseigne qu’on peut utilement se demander s’il ne faudrait pas plutôt … l’alléger. À titre d’exemple, en Espagne, où la régulation est beaucoup plus légère et où Orange n’est qu’opérateur alternatif, il propose d’ores et déjà 9 millions de prises raccordables à la fibre, contre 6,3 millions en France.
… prises de position outrancières…
Au cours du même entretien, M. Soriano s’est également permis d’exprimer des positions qui vont très au-delà de son rôle de régulateur du marché, notamment en ce qui concerne le contrat conclu en 2011 entre Orange et SFR pour les déploiements de la fibre dans les zones moyennement denses. D’abord parce que ce contrat a été en son temps validé par les différentes autorités de régulation du marché français (Arcep et Autorité de la Concurrence). Une fois passée cette étape, il ne relève plus de la régulation.
Il est par ailleurs piquant que M. Drahi souhaite avoir le droit de faire plus que prévu au contrat… alors qu’il n’a pas investi à la hauteur des engagements qu’il y avait pris. Orange, pour sa part, respecte les siens, et investit massivement sur le déploiement de la fibre en France.
Par ailleurs, il reste en France de nombreux territoires sur lesquels aucun opérateur n’a d’exclusivité, et tous sont libres d’aller rencontrer les collectivités locales pour se développer. Là encore, Orange est le plus actif, y compris pour co-investir dans les réseaux d’initiative publique (RIP).
Selon le régulateur des télécoms, c’est donc l’acteur qui investit le plus (plus de la moitié des investissements dans les réseaux français de télécommunications en 2016, voir notre petit tableau en annexe) qui devrait être sanctionné ?
Il est non moins déplacé de pointer du doigt les projets d’Orange en matière de banque ou de rapprochement éventuel avec Canal+. D’abord parce que l’entreprise est seule maîtresse de sa stratégie. Ensuite parce que celle d’Orange privilégie très clairement sa mission d’opérateur de réseaux, vers laquelle elle a orienté massivement ses investissements, non seulement dans le réseau, mais également dans la commercialisation de la fibre et du haut débit mobile, dont elle fait son fer de lance dans l’ensemble de son réseau commercial. Et parce qu’elle y réussit, elle devrait aujourd’hui se faire taper sur les doigts ?
… et idéologie de la concurrence pour seul credo
On le voit, tout concourt à penser qu’il ne s’agit pas d’améliorer la couverture fibre du territoire, mais de « punir » Orange, dont le défaut majeur est, une fois encore, d’être issue d’un ancien monopole… qui n’existe plus depuis 20 ans (M. Fillon nous l’a encore rappelé ce week-end…).
Certes, les concurrents d’Orange se plaignent régulièrement (pour justifier leurs retards d’investissements ?) que le leader du marché leur bloque la route. C’est de bonne guerre. Mais est-ce professionnel pour le régulateur du marché de se rallier sans nuance à ces critiques alors qu’en réalité, il sait qu’Orange respecte scrupuleusement la réglementation française ?
Le réseau fibre d’Orange est ouvert à tous les acteurs du marché, tous ses points de mutualisation sont déployés partout où la fibre d’Orange est tirée, et tous les opérateurs peuvent s’y raccorder comme ils le souhaitent, et comme le prévoit la réglementation en vigueur.
La concurrence par les infrastructures a été acceptée par tous en 2011
Pour défendre l’idée qu’Orange serait en train de reconstituer une position monopolistique, certains arguent du fait qu’Orange peut aller plus vite, lorsqu’il commercialise sa fibre vers les clients finaux, en passant ses ordres de travaux directement aux équipes opérationnelles de terrain, alors que les autres opérateurs doivent s’adresser d’abord à l’entité de vente en gros. Mais, outre le fait qu’Orange est dans la même situation lorsqu’elle souhaite raccorder ses clients via le réseau d’un autre opérateur, il ne peut être question de basculer en cours de route vers un modèle « à l’anglaise » alors que depuis 2011, le régulateur français a imposé un modèle de concurrence par les infrastructures, qui a été accepté par tous les acteurs.
Est-ce au beau milieu de la course qu’on peut changer les règles, uniquement parce qu’un compétiteur a pris la tête du peloton ?
Changer la régulation en cours de route présente de nombreux dangers
Une fois de plus, il convient de rappeler que les télécommunications sont fondées sur un modèle dit « d’économies d’échelles » reposant sur de forts investissements dans les infrastructures, qui se rentabilisent sur le long terme, lorsque les réseaux sont utilisés à plein régime.
Dans un tel modèle, la stabilité du contexte réglementaire est un élément clef de sécurisation pour les acteurs, et ce d’autant plus que la concurrence est forte, réduisant à la fois les marges et la capacité potentielle à capter suffisamment de clients pour obtenir le retour sur investissement attendu.
Faut-il rappeler au régulateur, qui en publie pourtant les chiffres chaque trimestre, que la concurrence forcenée sur le marché français par l’introduction d’un 4ème opérateur mobile a conduit non seulement à la destruction des marges, mais aussi du chiffre d’affaires global sur le marché des télécommunications françaises ? Alors que dans le même temps, les volumes de trafic et la qualité des services offerts n’ont cessé d’augmenter. Parce que pour le moment, les acteurs ont joué le jeu, et ont poursuivi leurs investissements.
Les investissements d’Orange créent de la croissance et de l’emploi
Mais Orange n’est plus une entreprise publique (l’État ne détient plus que 23% du capital et les salariés 5%) : elle est désormais majoritairement détenue par des investisseurs institutionnels, dont des fonds de pension américains, qui privilégient la rentabilité et la sécurité de leurs investissements. Qu’on impose à Orange de nouvelles contraintes sur la fibre, et ils feront pression pour que l’entreprise réoriente ses investissements vers les pays où la rentabilité est meilleure, comme l’Espagne par exemple.
1 milliard d’euros investi dans la fibre, c’est plus de 0,1% de croissance supplémentaire[1] pour notre pays, et l’opportunité de créer les emplois dont nous avons tant besoin… alors que la concurrence en a tant détruit (55 000 pour la seule introduction du 4ème opérateur mobile). Le gouvernement devrait s’en souvenir, et le rappeler à l’Arcep, avec laquelle il partage l’obligation de développer conjointement les investissements et l’emploi dans les télécommunications françaises.
Pénaliser le 1er de la classe n’est certainement pas dans l’intérêt de la France.