Discours de Didier Lombard aux organisations syndicales sur le nouveau « contrat social » de France Télécom
Didier Lombard, Président-Directeur général, a fait ce jour, en introduction de la troisième réunion plénière de négociations en cours sur les risques psycho-sociaux, des propositions aux organisations syndicales comme base du nouveau contrat social de France Télécom :
« Mesdames, Messieurs, bonjour,
– Je voulais venir personnellement aujourd’hui pour introduire cette nouvelle séance de négociation menée par Olivier.
– Tout d’abord, j’ai voulu, après mûre réflexion ces derniers jours, prendre deux décisions importantes, dans le but de faciliter, de catalyser nos négociations : une décision concernant le management avec l’arrivée de Stéphane qui est à mes côtés aujourd’hui devant vous et qui a pris de premiers contacts avec vous dès aujourd’hui ; une autre concernant la prolongation de la suspension des mobilités jusqu’à la fin de l’année. Au passage, le terme de « moratoire » – comme j’ai déjà pu vous le dire – ne me paraît pas adéquat, puisqu’en tout état de cause, les mobilités ayant lieu à partir du début de l’an prochain ne se dérouleront plus comme avant.
– Mais ce que j’ai tenu à vous dire aujourd’hui va bien au-delà. Aujourd’hui, l’objectif que nous devons avoir en commun est d’établir ensemble le nouveau contrat social de l’entreprise. Il faut donner aux salariés les moyens de s’épanouir dans leur travail. Je ne peux accepter que certains de nos salariés arrivent stressés au travail. Ce n’est pas l’entreprise que je souhaite, ce ne doit pas être le France Télécom de demain.
– Grâce à ce nouveau contrat social, nous pourrons mieux servir nos clients, leur apporter la qualité de service à laquelle ils ont droit. En effet, mettre l’humain au cœur de notre organisation, c’est bien sûr un élément positif pour nos salariés mais cela doit l’être pour toutes les parties prenantes de France Télécom, il en va de notre responsabilité sociétale. Pour y parvenir, nos managers doivent notamment disposer des moyens adéquats pour exercer leurs responsabilités.
– Nous avons identifié ensemble les thèmes majeurs autour desquels doit être construit ce nouveau contrat social, nous les retrouvons dans les 5 groupes de négociations auxquels il faut ajouter la relation managériale, notamment au niveau local. Je veux être très clair là-dessus : ce nouveau contrat social reposera largement sur le produit de notre négociation. Les propositions que je vais vous faire constituent une base, sans doute améliorable, et nous serons à l’écoute de vos réactions. Je sais que les salariés attendent beaucoup de nous et de notre capacité à bâtir ensemble les fondations de ce futur commun. C’est dans un esprit d’ouverture et avec une volonté farouche d’aboutir que j’aborde cette nouvelle phase.
1. Premier « chapitre » : il nous faut repenser la relation managériale et redonner du sens au local
– Avant tout, je voudrais affirmer clairement que j’ai une pleine confiance dans la capacité des managers à affronter la situation actuelle. Ils sont un rouage essentiel pour la mise en œuvre de notre stratégie. C’est avec eux que les salariés doivent trouver du sens à leur métier.
– Et c’est pour cela que nous leur donnerons plus de marge de manœuvre au niveau local. C’est à cette condition que nous parviendrons à redonner du sens au local et à construire des espaces de responsabilité locale partagés. Je souhaite donc que les managers de proximité aient la responsabilité de décider des recrutements dans le cadre des décisions nationales.
– Le management de proximité passe aussi par la valorisation des critères d’animation d’équipe. A cet égard, je considère que le taux d’absentéisme doit être un critère d’appréciation qualitatif de la performance d’une unité opérationnelle. Bien entendu, ces critères devront être appréciés dans une perspective comparative entre unités et dans le temps.
– Retrouver des marges au niveau local, c’est aussi prendre en compte les spécificités de chacun. Nous avons tous une histoire professionnelle et les performances de chacun doivent être évaluées en en tenant compte. L’individualisation ne signifie pas nécessairement la compétition à outrance entre les personnes, c’est aussi le respect de la particularité de chacun. Dans cet esprit, il est indispensable que les objectifs individuels prennent en compte la montée progressive en compétence des salariés et notamment le fait que certains changent de métiers. Cette mesure sera engagée le plus rapidement possible.
– En outre, nous avons trop oublié la notion d’équipe dans notre travail quotidien. Les managers doivent avoir le temps et les moyens de constituer du collectif avec leur équipe. Celles-ci doivent se réunir plus souvent et ces réunions doivent être des moments d’échanges et non simplement de distribution des instructions. Dorénavant, les managers devront prendre en compte la régularité et la qualité des réunions d’équipes. Là aussi, il faudra laisser des marges de manœuvre locales car des solutions intelligentes peuvent être différentes d’une entité à une autre. Ce qui est essentiel, c’est la reconstitution de ce collectif qui est l’atout majeur de notre entreprise.
2. Deuxièmement, il nous faut revoir les conditions de travail
– Les conditions de travail, c’est vrai, ne sont pas satisfaisantes à certains endroits et dans certains métiers. Il est anormal par exemple que certains de nos collègues ne puissent prendre facilement leurs congés. J’ai demandé à ce que l’on mette en place les moyens nécessaires pour permettre à chacun de prendre ses congés, en tenant compte des contraintes saisonnières de l’activité. Si exceptionnellement, cela se justifie, nous pourrons procéder à des recrutements externes, dans les conditions que j’ai indiquées. Notamment, nous devrons rester dans des ordres de grandeur qui nous permettent de réagir face à la concurrence.
– Revoir les conditions de travail, c’est aussi mieux entendre ce que nous disent les salariés notamment pour les outils d’accompagnement. Je suis favorable à ce que dorénavant de réelles expérimentations se mettent systématiquement en place et que les salariés puissent s’exprimer sur leur vécu, avant toute généralisation. Sur ce sujet comme sur d’autres, nous devons être sans tabou. Plus globalement, je propose de généraliser ce principe d’expérimentation lorsque c’est possible. Ainsi, en cas d’expérimentation de projets, il sera organisé un rendu d’expérience devant les IRP. Ce rendu d’expérience comprendra des retours par des salariés.
3. Troisièmement, il nous faut nous appuyer sur un dialogue social renouvelé
– Je viens d’aborder le rôle des IRP, des propositions d’organisations sont faites, nous verrons comment les améliorer.
– Mais il faut d’abord que nous puissions travailler plus et mieux en amont des projets. Je suis conscient que la médecine du travail de France Télécom n’a pas été assez associée. C’est pourquoi je demande à ce qu’elle soit systématiquement intégrée en amont des discussions des projets de réorganisation en CHSCT.
– Le dialogue social dans nos instances n’est pas encore satisfaisant ; encore une fois, nous progresserons en travaillant plus en amont. Il faut aussi que les CHSCT puissent échanger entre eux sans perdre leur rôle de proximité.
4. Quatrième chantier : il nous faut reconstruire un environnement de travail positif
– Tout ce que je viens de vous dire n’a évidemment de sens que si nous construisons des environnements de travail où chacun pourra s’exprimer, être entendu et écouté, à sa place et dans son rôle. Je sais que beaucoup de salariés considèrent, et le plus souvent à juste titre, que la convivialité a disparu ou s’est considérablement affaiblie. Si la convivialité ne se décrète pas, nous devons néanmoins faire ce que l’on peut pour la favoriser. La crise actuelle montre notamment un besoin d’échanger entre salariés et avec les managers. Il me paraît ainsi nécessaire, en particulier, que les salariés puissent discuter entre eux, avec ou sans les managers, afin de remettre de la convivialité au cœur du cadre de travail. Je propose que la négociation permette de définir le cadre dans lequel les managers locaux pourront mettre en œuvre cette volonté de convivialité, ce qui peut nécessiter des budgets dédiés bien sûr. Je souhaite aussi que l’on adapte ces initiatives aux personnels : on ne crée pas de la convivialité avec les mêmes moyens pour des populations différentes.
– Le dialogue entre les salariés et leur manager, c’est aussi la possibilité de revenir sur les conclusions de l’entretien d’évaluation en donnant la possibilité au salarié de « faire appel » dans des conditions à définir dans la négociation. Dans la même logique, les perspectives d’évolution professionnelle à moyen terme ne devront plus systématiquement être abordées lors de l’entretien d’évaluation. A la demande du salarié, ces perspectives de moyen terme pourront faire l’objet d’un entretien spécifique.
5. Cinquième chantier : il nous faut faire du travail un élément d’équilibre personnel
– Le travail ne doit pas être un facteur de déséquilibre mais au contraire il doit contribuer au bien-être de chacun. Bien sûr, il ne peut pas pallier à tout mais en aucun cas il ne doit être un facteur aggravant. La relation au travail a profondément changé ces dernières années. Le paradoxe est que nous devons réintroduire de l’individualisation pour créer du collectif. Je considère que l’organisation des plateaux doit prendre en compte autant que possible les demandes personnelles et la personnalisation des lieux de travail pour ceux qui le souhaitent. Trouver son équilibre personnel au travail passe aussi par des petits éléments de la vie quotidienne qui rendent les choses agréables. Il faut donc que nous trouvions des solutions concrètes pour que chacun puisse apporter une touche personnelle à son environnement de travail. Ce sont des questions simples mais aussi essentielles que de savoir où chacun souhaite s’asseoir et s’il souhaite garder cette position. Si cela ne peut se faire, il faut dire pourquoi, l’expliquer et que cela n’apparaisse pas comme une brimade arbitraire.
6. Enfin, sixième chantier : il nous faut accompagner les mobilités et le changement
– Je suis conscient que la question de la mobilité est devenue un point essentiel du débat. Notre organisation doit se transformer et se modifier mais nous devons sans doute revoir le rythme et surtout se poser des questions que nous n’avons pas abordées jusqu’à présent. En tout état de cause, il est clair qu’il faut que cessent les mobilités non souhaitées pour les personnes à moins de 3 ans de la retraite. De même, elles n’ont pas de sens lorsque le salarié décidera d’entrer dans le dispositif de temps partiel senior que nous sommes en train de négocier.
– Les mobilités ont du sens pour l’organisation, elles doivent en avoir pour les personnels. Les calculs économiques, financiers, en y intégrant l’ensemble des éléments y compris sociaux, qui les sous-tendent doivent être exposés et débattus. Et il va de soi que ces mobilités doivent apporter un minimum de stabilité une fois qu’elles ont eu lieu. Je m’engage à ce que les salariés puissent bénéficier d’une période de 3 ans de stabilité minimum sur un poste après une mobilité fonctionnelle ou géographique sauf, évidemment, si le salarié souhaite bouger.
– La mobilité ne doit pas être un dogme, et il faut aussi dire clairement que pour certains postes, comme les RH de proximité, une stabilité est nécessaire sauf cas personnel. Je pense qu’une clause de stabilité de 3 ans peut être associée à ces postes.
– Je réaffirme par ailleurs la fin du principe de mobilité systématique tous les 3 ans des cadres.
– Je suis conscient que la mobilité est une contrainte pour certains de nos salariés, elles ne doivent plus être imposées sans qu’un choix réel soit proposé. Je demande à ce qu’au moins deux opportunités d’évolution soient proposées en cas de réorganisation ou de fermeture de site.
– Il faut également que nous sortions des schémas classiques, c’est pourquoi je me suis réjoui de la signature de l’accord sur le télétravail, il doit être systématiquement examiné la possibilité d’y recourir lorsque nous devons modifier notre organisation. Il faut aussi regarder si, dans certains cas, nous ne devons pas examiner les possibilités de réinternaliser certaines taches sous-traitées localement. »
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