Orange a reconnu en interne des fraudes sur son plateau téléphonique de Metz

Un lanceur d’alerte a mis au jour des fraudes sur le plateau téléphonique d’Orange à Metz – Woippy. Les téléconseillers étaient en charge des petites et moyennes entreprises et il leur est reproché des pratiques anticoncurrentielles.

Orange est l’opérateur numéro 1 sur le marché dédié aux professionnels, loin devant le numéro 2 SFR. Alors que les deux opérateurs se partagent une bonne partie de ce marché, la très grande majorité revient à Orange.

Cependant des révélations viennent entacher l’opérateur, d’après Mediapart qui a pu se procurer un rapport d’enquête interne. Des « fraudes » ont ainsi été commises sur le plateau de fidélisation du marché PME situé sur la commune de Woippy, à proximité de Metz.

« J’ai averti mes chefs le 27 septembre 2018 par un mail d’alerte que le plateau sur lequel je travaillais se livrait à des pratiques commerciales anticoncurrentielles. La direction a décidé de procéder à une enquête interne, mais ils n’ont pas su me protéger » témoigne Cyril Leuthreau auprès de Mediapart.

Une tricherie sur la rétention des clients

Après un apprentissage chez Orange qui s’est terminé en 2016, Cyril a été recruté sur ce fameux plateau de fidélisation et c’est là qu’en 2018, il découvre les pratiques qui ont lieu en interne. Selon le rapport, ce sont « une quinzaine de cas de fraude » qui ont été mis au jour et qui ont engendré des « sanctions adaptées à la gravité des faits », rien que pour cette entité sur Metz.

Parmi ce qui a été constaté, il y a eu par exemple la souscription de nouveaux produits avec réengagement de l’offre sans changer le prix alors que la période initiale allait être finie, empêchant les clients de partir. Pour ne pas se faire prendre, les salariés trichaient en changeant à peine l’adresse mail de contact des entreprises, qui ne recevaient donc pas la confirmation de changement et s’en apercevaient quelques mois plus tard.

Cette pratique de rétention permet d’octroyer des réductions aux clients mais les employés indélicats faisaient passer une nouvelle option en douce sans que le prix final de l’abonnement ne change. Ils percevaient ainsi une commission sur cette vente, l’un des employés concerné aurait touché une prime de 8 231,10 euros en 2016 grâce à ce stratagème.

D’autres fraudes

Les téléconseillers se servaient également d’un autre outil interne qui permet de savoir si un client fait une demande de portabilité d’un numéro vers un autre opérateur. Dans le cas d’une portabilité du mobile, un téléconseiller joignait alors l’entreprise concernée pour tenter de les faire rester au moins sur une offre box seule. Une pratique pourtant interdite.

De plus, une autre application a été utilisée par les téléconseillers pour connaître rapidement quels étaient les clients nouvellement éligibles à la fibre. Géoloc était utilisé pour connaître des adresses qui viennent d’avoir la fibre, parfois avant même que la concurrence ne soit au courant, permettant ainsi de leur couper l’herbe sous le pied.

Orange se défend en expliquant que « dans le cadre l’exercice de leurs fonctions, les salariés ont accès à un certain nombre d’applications qui s’appuient sur des données publiques et accessibles à tous les opérateurs » mais l’opérateur a également fait preuve d’une certaine inertie notamment pour les employés qui ont été pris à tricher, s’ils ont été convoqués par leur manager, ils n’ont pas été sanctionnés pour autant.

Des menaces

Cyril, qui avait alerté sur ce sujet, n’aurait pas été protégé par Orange. Son nom serait sorti rapidement et il a subi des intimidations et des menaces, certains évoquant le fait qu’il « casserait les genoux » de celui qui a parlé ou directement en le menaçant de lui crever les pneus. Et alors qu’il avait été mis en télétravail, Orange l’a fait revenir sur le plateau au bout de deux semaines, lui faisant vivre un véritable enfer.

Après une période d’arrêts maladie qui a débuté le 15 février 2019, Cyril a été licencié le 12 juillet 2021 suite à une déclaration d’inaptitude au poste par le médecin du travail.