IPv6 : une lente transition pour certains opérateurs
Les adresses IPv4 viennent à manquer cruellement et la transition vers IPv6 se fait de plus en plus pressante mais tous les opérateurs ne jouent pas le jeu pour y passer rapidement.
Depuis 2019, l’IPv4 est en situation de pénurie. A l’époque, il ne restait que 1,5 million d’adresses publiques et leur nombre continuait à descendre rapidement pour arriver à 0 fin 2019. Dorénavant, les achats se font uniquement sur des adresses qui sont remises en vente et faire perdurer ce système empêche internet de croître comme il se doit.
Pour palier cette pénurie, les opérateurs s’y sont pris de différentes façons afin de pouvoir continuer à utiliser IPv4 et c’est ce qui ralentit l’adoption de l’IPv6 qui s’avère être la seule solution pérenne. Celle-ci permet en effet d’avoir un nombre quasiment infini d’adresses IP, contrairement au protocole précédent.
La France dans le TOP 10 mondial
L’Autorité de régulation des télécoms (Arcep) s’est donc saisie du sujet dès 2019 et elle publie depuis son baromètre de la transition vers IPv6 afin de « promouvoir et faciliter cette évolution indispensable au bon fonctionnement d’internet » avec notamment des guides à destinations des entreprises.
Cette année encore, l’Arcep a donc publié ce fameux baromètre. L’Autorité note des « progrès significatifs » dans l’adoption de l’IPv6 avec la France qui arrive désormais en quatrième position en Europe derrière la Belgique, l’Allemagne et la Grèce. Elle arrive même sixième au niveau mondial, devant les Etats-Unis qui est en neuvième position.
Mais cela ne suffit pas à l’Arcep qui note « une transition vers IPv6 encore insuffisante en termes d’objectif et de rythme de déploiement ». Elle invite donc les différents acteurs à augmenter la cadence. La transition a démarré en 2003 selon l’Autorité mais 18 ans plus tard, il n’est question seulement que d’une phase de cohabitation entre IPv4 et IPv6 et rien ne semble fait pour se passer du premier. La situation est même bien plus problématique puisque les opérateurs mettent même au point des solutions bancales pour ne pas y passer.
On peut notamment citer le partage d’adresses IPv4 entre plusieurs clients. Vous avez ainsi la même adresse IPv4 que plusieurs autres personnes en France, ce qui peut poser problème à différents niveaux notamment pour les jeux en réseau ou encore la domotique. Toutefois, cela peut aller au-delà et vous pouvez ainsi vous retrouver banni d’un site si une autre personne ayant la même IP l’a été précédemment, et cela complique également les enquêtes.
De plus, avec la pénurie, les prix des adresses IPv4 qui sont à vendre ont explosé. De 25€ l’adresse IP en 2020, le prix pourrait atteindre maintenant jusqu’à 60€.
Une multitude d’acteurs qui n’ont pas le même rythme
Cependant, l’adoption d’IPv6 n’est pas que du fait des fournisseurs d’accès à internet. Différents acteurs doivent aussi faire la transition pour que tout se passe bien et à différentes vitesses, ce qui complique l’adoption.
Les opérateurs nationaux français
Parmi ces différents acteurs, on retrouve donc les opérateurs et on se retrouve quasiment dans une situation du tout ou rien, avec cependant Bouygues Telecom qui se balade entre les deux.
SFR est donc le mauvais élève de ce tableau et l’opérateur ne semble pas vouloir s’avancer plus que ça sur le déploiement d’IPv6. Alors qu’Orange et Bouygues Telecom devraient avoir migré la quasi-totalité de leur réseau d’ici l’été 2024, SFR ne prévoit d’atteindre que 25 à 35% de déploiement à la même date.
En revanche, les opérateurs continuent de proposer de l’IPv4 à leurs clients afin qu’ils puissent continuer à se connecter à des services qui ne gèrent pas le nouveau protocole qui a pourtant une vingtaine d’années. Free et Bouygues Telecom proposent ainsi une IPv4 partagée et l’opérateur de Xavier Niel l’impose même à la majorité de ses clients mais les deux proposent tout de même de passer en IPv4 dédiée. En revanche, SFR qui fournit 8% de ses clients FTTH avec une IPv4 partagée, ne permet pas d’obtenir une dédiée.
Sur le mobile et les accès fixe en 4G, Bouygues Telecom et SFR proposent des IPv4 dédiées tandis que Free et Orange proposent des IP partagées et il n’est pas possible de demander une dédiée.
Les autres opérateurs
Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR ne sont pas les seuls opérateurs sur le territoire et il en existe de nombreux comme Coriolis, Vialis, Nordnet, OVH… Là aussi, tous ne jouent pas le jeu de l’IPv6, comme le montre l’Arcep.
Le mobile
Si Free est le bon élève de l’IPv6 sur le fixe, il est en revanche le mauvais élève sur le mobile avec une activation quasiment nulle chez les clients. Cette fois-ci, SFR se retrouve être le bon élève.
Les opérateurs ont communiqué le calendrier prévisionnel d’activation d’IPv6 selon les terminaux. Il faut parfois avoir une version assez récente de l’OS mobile même sur de vieux téléphones afin de pouvoir en bénéficier. Sur les iPhone, il faut par exemple avoir iOS14 ou plus récent pour en profiter.
Les autres acteurs du web
L’adoption de l’IPv6 doit également se faire du côté des sites visités. Si aucun site ou service web n’est accessible en IPv6, les opérateurs n’auront pas envie de le déployer. Le nombre de sites web accessibles en IPv6 côté français est encore assez faible : seuls 20% des sites le sont. L’Arcep note que 1028 sites basés en France (et ses territoires ultramarins) sont uniquement accessibles en IPv6.
Cela est notamment dû au fait que les IPv4 sont très chères et il faut parfois attendre de nombreux mois afin de pouvoir espérer en commander une. De fait, ces 1028 sites ne sont pas accessibles depuis une connexion qui ne gère pas IPv6 et ce nombre a été multiplié par deux par rapport à l’année dernière. Il devrait donc encore grimper dans les années à venir. Les clients fixe SFR pourraient ainsi se retrouver coupés d’une partie du web d’ici trois ans.
De plus, l’Etat ne montre pas vraiment l’exemple puisque très peu de ses services sont disponibles en IPv6. Seuls 2,9% des sites web principaux en gouv.fr sont ainsi en IPv6, ce qui n’envoie pas un signal fort pour les autres sites web plus petits.
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