Pourquoi MAX, la messagerie imposée par le Kremlin à partir de Septembre, inquiète déjà les Russes

Depuis plusieurs années, le Kremlin durcit sa politique numérique. Mais un cap décisif a été franchi avec l’annonce de l’application MAX, une messagerie approuvée par l’État, bientôt imposée sur tous les nouveaux smartphones vendus en Russie. Ce nouvel outil illustre une volonté claire : instaurer un écosystème numérique fermé, contrôlé et modelé à l’image du pouvoir.

Kremlin à Moscou
Le Kremlin à Moscou - Crédits : Sergey Golopolosov - Licence CC0 1.0

La Russie renforce ses mécanismes de censure en s’attaquant directement aux solutions permettant d’accéder aux services étrangers ou à des contenus bannis. Les nouvelles lois ratifiées récemment par Vladimir Poutine réduisent encore les possibilités de contournement via des VPN ou des plateformes américaines telles que YouTube, longtemps prisées par les internautes russes.

Parallèlement, le Kremlin développe ses propres alternatives technologiques pour détourner les citoyens des produits occidentaux. L’application MAX, conçue pour remplacer WhatsApp et potentiellement Telegram, sera préinstallée par défaut dès septembre. L’objectif : inciter les Russes à adopter des solutions nationales, aisément contrôlables par les autorités rapporte le New York Times.

D’un Web ouvert à une souveraineté numérique radicale

Contrairement à la Chine, qui a dès ses débuts encadré son Internet, la Russie a longtemps cultivé un espace numérique libre et effervescent. Des millions de Russes s’y sont exprimés sans filtre, utilisant les réseaux sociaux occidentaux pour diffuser idées, critiques et actualités.

Ce paysage a basculé avec l’émergence d’Alekseï Navalny. Le dissident, grâce à ses enquêtes diffusées sur YouTube, a cristallisé un mouvement d’opposition massif. Son influence a incité le pouvoir à réviser sa stratégie numérique, avec pour finalité une « souveraineté Internet » visant à couper le pays du Web global.

L’invasion de l’Ukraine en 2022 a marqué une accélération brutale de cette stratégie. Les géants américains du numérique ont été bannis ou bridés, des lois muselant la liberté d’expression ont été votées, et VK, le réseau social russe, a été repris en main par le pouvoir, avec à sa tête le fils d’un proche de Poutine.

MAX : l’ambition d’un WeChat à la russe

MAX s’inspire directement du modèle chinois WeChat, une application centralisant messagerie, paiement, services administratifs, et plus encore. Moscou prévoit une intégration profonde de MAX dans la vie quotidienne : services publics, communication scolaire, gestion administrative…

Des tests sont déjà en cours dans des écoles, et les fonctionnaires sont appelés à l’utiliser. L’idée est de rendre l’application incontournable, de la banaliser au point qu’elle devienne l’interface principale de l’État avec ses citoyens.

Mais la méfiance persiste. Nombre de Russes, conscients de la surveillance, hésitent à utiliser pleinement une messagerie pilotée par le gouvernement. Sur les réseaux, les campagnes de promotion de MAX font l’objet de moqueries, et certains influenceurs pro-régime sont tournés en dérision pour leurs efforts de communication maladroits.

La guerre contre les VPN et les applications étrangères

Face aux blocages, beaucoup de Russes continuent d’utiliser VPN et proxys pour contourner la censure. YouTube, Instagram et Facebook restent accessibles à ceux qui maîtrisent ces outils, même si leur audience a chuté.

Mais cette liberté est de plus en plus menacée. De nombreux VPN ont déjà été bloqués selon Human Rights Watch. Moscou pousse Apple à retirer ces services de son App Store et explore des techniques plus avancées pour détecter et bloquer les connexions chiffrées.

Un nouveau texte interdit désormais la publicité pour les VPN, rendant leur découverte plus difficile. Et leur utilisation dans le cadre d’un « crime » devient une circonstance aggravante, entraînant peines plus lourdes.

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