6G : La manœuvre discrète des États-Unis pour garder la main sur le futur des télécoms

Le 4 juillet dernier, le président Donald Trump a signé une loi qui pourrait profondément redessiner l’avenir des télécommunications : le « One Big Beautiful Bill » (OBBB). Derrière ce nom à la rhétorique électorale se cache une initiative stratégique de premier plan. En repensant l’attribution des fréquences hertziennes, les États-Unis cherchent à sécuriser leur avance technologique dans la course mondiale à la 6G.

antenne 5G

Adoptée à une courte majorité par le Congrès, la loi OBBB dépasse largement son apparente portée budgétaire. Elle octroie à la Federal Communications Commission (FCC) le pouvoir, jusqu’en 2034, de mettre aux enchères certaines bandes de fréquences stratégiques. Objectif : libérer au moins 800 MHz de spectre pour soutenir la croissance des réseaux mobiles, des besoins actuels en 5G aux usages futurs de la 6G.

Cette vision à long terme place les fréquences hertziennes au cœur de la stratégie industrielle américaine, dans un contexte où la maîtrise du spectre devient un enjeu de souveraineté technologique. L’agence française des fréquences, l’ANFR, livre une analyse de ces changement.

Un calendrier structuré pour accélérer le déploiement

La loi fixe un cadre précis de réaffectation, organisé en deux phases :

  • 300 MHz de spectre non-gouvernemental devront être partiellement mis aux enchères d’ici deux ans, avec le reste attribué avant 2034.
  • 500 MHz actuellement utilisés par des agences fédérales seront transférés à la FCC en deux vagues : 200 MHz à mettre aux enchères sous quatre ans, suivis de 300 MHz à attribuer dans un délai de huit ans.

Cette démarche permet aux États-Unis de préparer, dès maintenant, le terrain technique nécessaire pour l’arrivée de la 6G à l’horizon 2030.

Des fréquences clés pour bâtir l’avenir mobile

Le texte cible en priorité la bande 3,98 – 4,2 GHz, adjacente à celle déjà utilisée pour la 5G. Bien que cette portion soit partiellement occupée par des stations satellites, des opérations de réaménagement sont envisagées pour en libérer une part en faveur des services mobiles.

Plus surprenant encore, la bande 6 GHz, initialement exclue du projet de loi, a été réintégrée en cours de débat. Bien qu’actuellement réservée au Wi-Fi, une réattribution partielle pour les réseaux mobiles est désormais envisageable. L’OBBB propose également de réexaminer certaines bandes utilisées par la Défense, un domaine jusque-là très protégé 2,7-2,9 GHz; 4,4-4,9 GHz, 7,25-7,4 GHz.

Si ces propositions traduisent une volonté de rationaliser l’usage du spectre, elles ne vont pas sans susciter de vives critiques. Certaines bandes, notamment celles autour de 2,7 GHz, sont essentielles à la navigation aérienne, tandis que d’autres servent des systèmes militaires terrestres et maritimes. Par ailleurs, leur étude pourrait contredire les positions récentes défendues par les États-Unis lors de la Conférence mondiale des radiocommunications.

Des choix stratégiques et des exclusions calculées

D’autres bandes, plus convoitées, sont délibérément mises de côté. C’est le cas du segment 3,1-3,45 GHz, très utilisé par les radars militaires et estimé intransférable en raison de son coût opérationnel et financier. De même, la bande 7,4–8,4 GHz, pourtant étudiée par la FCC, ne figure pas dans la liste des priorités du moment.

À l’inverse, la loi ouvre la porte à un usage mobile de la portion basse de la bande 7 GHz (7,125-7,25 GHz), une décision qui s’inscrit dans une tendance également observée en Europe. Ce signal d’ouverture pourrait relancer les discussions internationales sur les futures identifications IMT, notamment en vue de la 6G.

Une loi aux répercussions internationales

Au-delà des États-Unis, les effets de l’OBBB pourraient rapidement se faire sentir dans les enceintes internationales. Le point 1.7 de l’ordre du jour de la CMR-27, consacré aux nouvelles bandes pour les technologies IMT, sera directement influencé par ces orientations américaines. La prochaine série de réunions de l’Union internationale des télécommunications (UIT), prévue cet automne, pourrait déjà en révéler les premiers impacts.

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