D.Lombard: «Nous sortirons de la crise tous ensemble»
Le Figaro a pu interviewer aujourd’hui Didier Lombard. Le PDG de France Télécom, qui exclut de démissionner, a engagé une course contre la montre pour éteindre le malaise social.
Interview:
LE FIGARO. – Comment réagissez-vous au nouveau suicide à Lannion ?
Didier LOMBARD – Je suis atterré. Extrêmement peiné. J’étais à Metz pour écouter les salariés et leur expliquer les changements que nous mettons en œuvre. Cette nouvelle m’a fait l’effet d’un nouveau coup de massue. Toutes mes pensées vont à la famille, que nous essaierons d’aider comme nous le faisons toujours dans ces situations très douloureuses. Je me suis rendu sur place immédiatement, j’ai eu un échange avec des salariés du site. Ce nouveau drame ajoute encore au sentiment d’urgence tout à fait légitime des salariés à voir concrètement changer l’entreprise. Cela nous impose d’aller plus vite et plus loin encore.
Vous étiez vendredi à Metz puis à Lannion, Stéphane Richard était à Marseille, comme des pompiers qui cherchent à éteindre les incendies. Maîtrisez-vous la situation ?
Didier LOMBARD – Nous faisons tout pour lever les contraintes qui bloquaient le système et entretenaient le mal-être qui s’est révélé. Dans le passé, France Télécom a déjà fait des choses très difficiles. Nous nous en sortirons ensemble. Pour cela, il faut que je porte personnellement le message aux salariés sur le terrain. Lundi, nous sommes allés à Cahors avec Stéphane Richard pour arrêter un projet de réorganisation. Je me focalise exclusivement sur l’humain. Si les salariés sont heureux, toute l’entreprise sera gagnante au final. Le nouveau France Télécom doit être humainement performant pour continuer à être économiquement performant.
Vous avez lancé de multiples chantiers. Quels sont les effets ?
Didier LOMBARD – Oui. Nous envoyons ces jours-ci un questionnaire à tous les salariés où ils pourront pointer ce qui ne va pas. Chacun va pouvoir s’exprimer. Nous avons déjà redonné de la liberté et de la souplesse aux managers au niveau local. Nous remettons de la convivialité dans les rapports humains. Nous avons arrêté les mobilités. Nous avons commencé à recruter 10 % de médecins du travail en plus, 100 RH de proximité et nous allons les associer davantage à nos décisions. Tout ne peut pas changer en une semaine, mais d’ici à deux mois la situation devrait être plus sereine.
Faut-il prévoir des préretraites pour favoriser des départs ?
Didier LOMBARD – Nous avons proposé un dispositif très avantageux financièrement de temps partiel pour les seniors. Il est actuellement en négociation avec les syndicats. Mais nous ne pourrons revenir, comme le souhaitent les syndicats, aux congés de fin de carrière qui de 1996 à 2006 permettaient aux salariés de partir à 55 ans avec 80 % de leur salaire. C’est juridiquement impossible, il faudrait une loi.
Pourquoi un tel malaise alors que les salariés sont bien payés et à l’abri du chômage ?
Didier LOMBARD – Ils sont effectivement très attachés à l’entreprise. Cela a un côté très positif : nos salariés sont impliqués, motivés, dévoués. En dépit de la crise que nous traversons, ils travaillent, l’entreprise tourne. Mais cet attachement viscéral fait aussi que certains attendent tout de l’entreprise, qui devient comme une grande famille où tout prend un tour affectif. Si on leur demande de changer de poste, ils pensent que c’est parce qu’on ne les aime plus. Or ils ont tort de penser qu’on ne les aime plus : tout ce que l’on fait vise justement à permettre de les garder tous.
L’entreprise est-elle à l’arrêt et vos résultats seront-ils affectés ?
Didier LOMBARD – Je veux rendre hommage aux salariés de notre groupe qui dans cette période difficile sont mobilisés pour la qualité de service aux clients et le succès de nos objectifs commerciaux. L’entreprise n’est pas pénalisée économiquement par la crise que nous traversons. Les salariés sont au travail. Dans les boutiques tous préparent la saison de Noël qui est une grosse période de ventes.
Quelle est, selon vous, la responsabilité des médias ?
Didier LOMBARD – Il est clair que les médias ont joué leur rôle dans cette crise, ce qui n’enlève rien à la profondeur du changement que nous avons engagé. Ils peuvent également être déterminants dans le processus de sortie de crise en se focalisant sur le projet de nouvelle entreprise.
Regrettez-vous certaines de vos déclarations sur la mode du suicide ?
Didier LOMBARD – Oui, j’ai prononcé cette phrase sous le coup de l’émotion et de la pression. Je m’en suis immédiatement excusé. Moi aussi je suis de la famille France Télécom. Chaque drame me heurte comme tous les membres de la famille. Peut-être encore plus.
Quelle est la responsabilité des syndicats ?
Didier LOMBARD – Les syndicats aussi ont un vrai attachement à l’entreprise. Il faut qu’ils soient responsables dans les négociations. Ils remplissent leur mission. À nous d’exercer la nôtre.
Celle de l’État ?
Didier LOMBARD – Le gouvernement doit jouer deux rôles distincts. Le premier est de faciliter l’interface avec le monde du travail, des médecins du travail. Xavier Darcos, ministre du Travail, nous apporte son soutien sur ce plan-là. Et puis, il y a l’État actionnaire, représenté par Christine Lagarde, ministre de l’Économie. Notre entretien, il y a quelques jours, a été très constructif.
Quelle responsabilité pèse sur les dirigeants, vous-même, Louis-Pierre Wenes et Stéphane Richard ?
Didier LOMBARD – Quand on décide de changer le contenu du message en donnant la priorité à l’humain, il faut aussi changer le porteur du message. Ce dernier doit incarner symboliquement ce changement. C’est pourquoi Louis-Pierre Wenes a quitté ses fonctions. Aujourd’hui pour porter le changement le plus rapidement possible auprès de tous les salariés, les membres du comité de direction du groupe se mobilisent. Nous ferons une cinquantaine de déplacements dans les centres France Télécom d’ici à la fin de l’année.
Avez-vous pensé à démissionner ?
Didier LOMBARD – J’aurai pu être tenté de la faire, vu la dureté des temps. Mais ce n’est pas quand le bateau est dans la tempête que le capitaine quitte le navire. Je dois l’amener à bon port, à un état d’entreprise humaine et prospère.
Céderez-vous les commandes après ?
Didier LOMBARD – Mon mandat court jusqu’en 2011. Laissez-nous arriver à bon port.
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