Fibre : les opérateurs, l’Arcep et le ministre des Télécoms s’opposent à la proposition de loi pour la qualité des raccordements
La proposition de loi de Patrick Chaize pour lutter contre les problèmes de raccordements de fibre optique est loin d’être approuvée par tous dans le secteur. L’Arcep, les opérateurs et le ministre des Télécoms s’y opposent en grande majorité, ce qui risque de semer la pagaille dans la filière.
Déjà sous tension, le climat dans la filière télécoms empire aujourd’hui en raison de la proposition de loi de Patrick Chaize, sénateur (LR) de l’Ain et président de l’Avicca. Elle partait pourtant d’une bonne intention en souhaitant protéger les consommateurs des malfaçons et améliorer la qualité des installations, afin de bien achever le grand chantier fibre du territoire d’ici la fermeture du réseau cuivre d’Orange prévue pour 2030.
Mais depuis l’adoption du texte à l’unanimité au Sénat ce mardi, la guerre a été déclarée dans la filière télécoms. En effet, les opérateurs télécoms, Jean-Noël Barrot, le ministre des Télécoms, et même l’Arcep, le gendarme des télécoms, s’opposent à la quasi-totalité de la proposition que Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep, juge « très dangereuse ».
Le partage des tâches facteur de malfaçons
Si la France est championne d’Europe sur la fibre avec 80% du territoire éligible, seuls 18 millions y sont abonnés, soit un peu plus d’un foyer sur deux éligible au très haut débit. On compte en effet beaucoup d’habitants réticents à la fibre optique en raison des nombreuses malfaçons dénoncées sur les installations, avec notamment les plats de nouilles, les câbles arrachés et autres.
Pour mettre définitivement fin à ces problèmes, le président de l’Avicca a présenté une proposition de loi pour réguler les raccordements beaucoup plus strictement. Il serait notamment question de mettre un terme au partage des tâches, à savoir lorsqu’un opérateur effectue le raccordement à la fibre du client même s’il n’a pas déployé le réseau. Partage « négocié sur un coin de table il y a dix ans » selon Patrick Chaize et qui est propice aux malfaçons.
C’est d’ailleurs ce que dispose l’article 1 de la proposition de loi : les opérateurs commerciaux resteraient certes prioritaires mais devront respecter des « exigences de qualité minimales » définies par un contrat. Mais pour les opérateurs, mettre fin à ce partage des tâches pourrait compromettre les relation avec leurs clients.
La filière craint 2 ans de retard sur le chantier de la fibre
Si pour Patrick Chaize cette loi est la meilleure solution pour mettre fin aux malfaçons et autres nombreux problèmes sur la fibre optique, la FFTélécoms, InfraNum, les opérateurs télécoms et l’Arcep ont un avis tout autre.
Remettre en cause le partage des tâches « normé et appliqué massivement » depuis plus d’une décennie pourrait entraîner un retard de deux ans sur la fin du chantier de la fibre, selon la FFTélécoms. En effet, la fin du protocole entraînerait des renégociations avec les sous-traitants. Et ceux deux ans de retard « porteraient un coup fatal au plan France Très Haut Débit » comme l’a indiqué la fédération dans une note reprise par Les Echos.
Un avis que rejoignent le ministre des Télécoms et l’Arcep qui ne veulent pas non plus remettre en cause ce modèle qui permet de réaliser pas moins de 15 000 raccordements à la fibre par jour.
Une bataille intense se profile à l’horizon
La Fédération française des télécoms, qui représente les opérateurs hormis Free, a déjà vivement critiqué le texte il y a quelques jours en avançant qu’il provoquerait l’arrêt brutal des raccordements, rendant alors impossible le respect du calendrier fixé par l’Etat. InfraNum a également donné son avis et les deux fédérations proposaient plutôt des engagements plutôt qu’une loi pour mieux encadrer les raccordements. Dispositif dont Patrick Chaize s’est moqué la semaine dernière.
De l’autre côté au Sénat, les 14 amendements déposés par le gouvernement ont tous été rejetés, indique Les Echos. Le texte doit maintenant être validé par l’Assemblée nationale, ce qui devrait se faire à la rentrée. Le président de l’Avicca à l’origine du texte se dit confiant pour le vote à l’Assemblée étant donné le caractère transpartisan du sujet.
Pour rappel, le texte comporte cinq articles qui prévoient notamment de permettre à l’abonné de suspendre le paiement ou de résilier son abonnement en cas de problèmes et de donner plus de pouvoir de sanction à l’Arcep, le gendarme des télécoms. Dans le détail, les consommateurs pourraient suspendre le paiement de leur abonnement au-delà de 5 jours consécutifs de coupure d’internet, bénéficier d’une indemnité au delà de 10 jours, et résilier sans frais leur abonnement au delà de 20 jours.
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