Entre Orange et l’Arcep, la tension monte d’un cran mais « le dialogue n’est pas rompu » pour Laure de la Raudière
Laure de La Raudière, la présidente de l’Arcep, a réagi face à la plainte déposée par Orange devant le Conseil d’Etat pour dénoncer son pouvoir de sanction, lors de son audition au Sénat. Selon elle, Orange renierait ses engagements et chercherait à gagner du temps.
Lors de son audition à la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat de mercredi, Laure de La Raudière, la présidente de l’Arcep, n’a pas mâché ses mots pour réagir face aux procédures engagées par Orange.
Selon elle, Orange préfère s’attaquer à son pouvoir de sanction et à l’autorité elle-même plutôt que d’atteindre ses objectifs de déploiements de la fibre. Laure de La Raudière monte cette fois-ci le ton face à l’opérateur, ce qui ne va pas arranger les tensions entre les deux parties. Elle se demande : « Doit-on comprendre qu’Orange préfère, plutôt que viser l’atteinte des objectifs qu’il s’est lui-même fixé, tenter d’arracher son sifflet au gendarme des télécoms ? »
Un grand désaccord sur le déploiement de la fibre dans les villes moyennes
En mars 2022, l’Arcep a mis en demeure Orange pour ne pas avoir respecté ses engagements concernant le déploiement de la fibre dans les communes en zone AMII (Appel à manifestation d’intention d’investissement). L’opérateur devait en effet fibrer 100% des locaux de près de 3000 communes dans lesquelles il s’est engagé en 2011 d’ici fin 2022 mais selon le dernier baromètre de l’Arcep, l’opérateur n’en a raccordé que 88%.
L’opérateur affirme avoir atteint ses objectifs, le nombre de lignes calculé en 2018 étant nettement inférieur à celui d’aujourd’hui selon lui. Mais pour l’Arcep, cela ne passe pas, d’où la mise en demeure pour non respect de l’article L33-13 du code des postes et communications électroniques.
Cela n’a pas plu à Orange qui a saisi le Conseil d’Etat le 3 février 2023 pour dénoncer le pouvoir de sanction de l’Arcep. L’opérateur historique cherche aussi à ouvrir une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour remettre en cause le mécanisme de sanction du régulateur des télécoms qui « porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre » selon lui, notamment concernant l’article L33-13.
Orange veut « gagner du temps »
Pour Laure de La Raudière, Orange cherche en réalité à « gagner du temps » et « retarder la décision du Conseil d’Etat sur la mise en demeure elle-même » à travers la QPC au Conseil constitutionnel. L’opérateur chercherait même à ce que « le Conseil d’Etat ne soit jamais en mesure de se prononcer sur le fond, qu’il soit dans l’incapacité juridique de confirmer la mise en demeure de l’Arcep », ajoute la présidente.
Le premier opérateur français ne s’attaquerait pas seulement à l’Arcep mais aussi au gouvernement et aux collectivités en cherchant à ouvrir une question prioritaire de constitutionnalité.
Le gendarme des télécoms s’interroge alors sur la réelle volonté d’Orange à travers cette procédure. « Doit-on comprendre que les engagements d’Orange pris devant le gouvernement n’avaient pas de valeur en 2018 ? Qu’Orange renie ses engagements ? » Le régulateur se questionne également sur le sort réservé aux habitants de plusieurs communes de la zone AMII : « Doit-on comprendre que de nombreux habitants des Sables-d’Olonne, de La Roche-sur-Yon, de Brive-la-Gaillarde, et de bien d’autres communes, vont devoir attendre encore longtemps la fibre ? Doit-on comprendre qu’Orange défie les objectifs assignés à la régulation par la volonté du Parlement ? »
Le dialogue n’est pas rompu
Il ne s’agit pas du seul point de discorde entre Orange et l’Arcep. L’opérateur a déjà déposé deux recours concernant le tarif de dégroupage des lignes DSL, à savoir le prix que paient les opérateurs alternatifs pour utiliser le réseau cuivre d’Orange, jugé trop bas pour lui.
La présidente de l’Arcep se veut tout de même rassurante et avance que « le dialogue n’est pas rompu » avec Orange, malgré l’offensive violente de l’opérateur. Reste à voir si le même scénario qu’en 2019 se produira cette année — Orange avait déjà demandé l’ouverture d’une QPC contre le pouvoir de sanction du gendarme des télécoms, avant qu’elle ne soit retirée suite à un dialogue entre les deux parties.
Malgré cette volonté de dialoguer, l’Arcep n’a pas hésité à montrer ses dents à l’opérateur. « Il y a des tensions mais c’est normal, c’est la vie du régulateur », rappelle Laure de la Raudière.
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