Financement des réseaux : la Fédération française des télécoms appelle à une « nécessaire contribution de la big tech »
Dans le dossier du financement des réseaux, je demande la Fédération française des télécoms (FFT). Celle-ci s’est joint au discours pour faire payer les réseaux par les grosses entreprises de la tech, notamment en publiant « une série d’infographies pédagogiques ».
Le dossier brûlant de ce début d’année concerne le financement des réseaux par les entreprises qui écoulent beaucoup de trafic chez les fournisseurs d’accès à internet. A ce sujet, deux sons de cloche, même au sein des fournisseurs d’accès à internet.
Des tuyaux accaparés par cinq acteurs
Depuis quelques mois, les gros opérateurs européens appellent à un péage numérique pour les acteurs de la Big Tech afin qu’ils financent en partie les réseaux qu’ils empruntent. Il y a quelques jours, la Commission européenne a d’ailleurs lancé une consultation publique sur ce qui est appelé le fair share afin que tous les acteurs puissent apporter leur contribution au sujet.
De son côté, la FFT, qui regroupe les opérateurs dont Orange, SFR et Bouygues Telecom mais pas Free, veut tenter de faire « comprendre ce sujet complexe et pourtant essentiel » avec des « infographies pédagogiques » afin d’expliquer le point de vue des opérateurs.
La fédération commence par expliquer que le trafic est bien concentré autour de quelques acteurs du net. A eux sept, ils concentrent 52,18% du trafic selon les données de Sandvine au niveau mondial.
La situation en France est quasiment similaire mais avec seulement cinq acteurs. A la place d’Apple, Microsoft et Disney+, on retrouve Akamai. Ce dernier n’est pas un acteur du net mais un CDN, un content delivery network ou réseau de diffusion de contenus. Il n’est qu’un intermédiaire mais surtout, il permet à ce que les contenus hébergés ailleurs dans le monde soient hébergés au plus près des clients, et donc des opérateurs pour faire baisser la latence mais également pour moins encombrer le réseau.
Selon la FFT, le trafic provenant de ces cinq acteurs dicte la construction des réseaux afin qu’ils ne soient pas saturés aux heures de pointe. Il est nécessaire donc de dimensionner les réseaux pour qu’ils puissent encaisser ce trafic qui peut monter jusqu’à 80% aux heures les plus chargées.
Une explosion du trafic web
Ce point amène directement à la deuxième infographie de la Fédération qui explique l’explosion des investissements ces dernières années à cause de ce trafic toujours plus important qui pèse sur les opérateurs.
Mais depuis 2012, les opérateurs ont investi massivement dans la fibre et son déploiement. Un réseau qui coûte très cher à déployer et qui ne sera pas rentable avant quelques années. Mais il permet d’écouler plus de trafic et surtout, le revenu moyen par abonné est plus élevé sur la fibre que sur l’ADSL.
D’autant plus que ce réseau beaucoup plus rapide incite les foyers des zones mal desservies à s’abonner et à consommer plus, dont des contenus directement proposés par les opérateurs (VOD, bouquets, options…).
Négocier d’égal à égal
Le troisième point abordé ici est la négociation du peering. Les opérateurs ont un poids beaucoup plus faible que les géants du streaming ou du jeux vidéo en ligne, ce qui créerait une distorsion lorsqu’il est question de négocier les tarifs pour s’interconnecter.
Les FAI auraient ainsi peur d’une menace de dégradation du service en cas de négociations entre les parties, comme cela a pu être le cas par le passé chez l’un des opérateurs français.
Une situation qui avait fait que le service était dégradé avec des débits moindres que chez la concurrence et une image d’une moins bonne qualité pour ceux voulant accéder à la plateforme de streaming.
Pour la FFT, le financement des réseaux apporterait un triple bénéfice : une solidarité entre les éditeurs et les FAI en contribuant au financement des réseaux, une meilleure allocation des coûts auprès de ceux qui profitent le plus des réseaux, ainsi qu’une incitation à la maîtrise de la bande passante par les émetteurs de trafic.
Ce dernier point est le plus souvent partagé par ces acteurs du net qui doivent déjà assumer de gros coûts de peering et qui participent financièrement au déploiement d’infrastructures sous-marines pour certains. Ils cherchent donc à minimiser la bande passante en tout temps avec le développement ou l’utilisation de nouveaux codecs/formats. Dans ce sens, Discord a d’ailleurs promis la diffusion de webcams en qualité 4K avec seulement 8 Mb/s de débit.
De plus, l’idée pourrait être aussi de consolider le marché des opérateurs européens qui est aujourd’hui éparpillé entre plusieurs dizaines d’opérateurs afin de créer des géants européens.
Destruction de la neutralité du net, augmentation des tarifs…
La Fédération balaie aussi les autres arguments entendus comme la possible atteinte à la neutralité du net, le financement ne serait pas contraire à ce principe, ou encore la possible augmentation des prix à l’avenir. Rien de tout cela n’arriverait.
Enfin, selon la FFT, une réglementation qui ferait payer au trafic envoyé inciterait les grandes entreprises à un usage plus raisonnable et optimisé des ressources de connectivité. Cependant, cet objectif se heurte à la réalité du terrain. Dans le cas de Discord suscité, la diminution du débit n’est possible que pour les utilisateurs ayant une carte Nvidia RTX de la série 40, des cartes récentes et assez onéreuses, ce qui fait que l’adoption est encore faible.
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