Arcep : son pouvoir de sanction jugé trop faible
Le régulateur des télécoms s’attire de nombreuses critiques concernant la nomination de sa présidente Laure de La Raudière, et son pouvoir de sanction jugé trop faible.
L’Arcep permet de veiller au bon fonctionnement du Plan France THD, qui vise à raccorder tous les habitants de l’Hexagone au Très Haut Débit d’ici à 2025. Mais il ne s’agit pas des seules actions du régulateur. Il a aussi la possibilité de mettre en demeure des opérateurs et de les sanctionner à hauteur de 3% de leur chiffre d’affaires, depuis 2018.
La société, le gouvernement et les opérateurs se félicitent de la bonne conduite du Plan France THD, en avançant qu’il représente un véritable levier économique et un atout majeur pour la France. Mais le PTHD ne fait pas l’unanimité sur l’ensemble du territoire.
Dans les zones moyennement denses (ZMD), qui rassemblent 3500 communes et représentent 40% de la population, Orange et SFR se sont engagés à raccorder l’ensemble des habitants de ces communes à la fibre optique d’ici fin 2022. Le hic, c’est qu’ils ne sont pas du tout dans les clous, ce qui inquiète les collectivités.
L’Arcep admet le retard d’Orange et SFR, mais ne peut pas vraiment agir seule
A l’occasion d’un forum sur les télécoms à Saint-Étienne qui s’est tenu de 6 octobre, la présidente de l’autorité Laure de La Raudière s’est exprimée sur les déploiements de la fibre dans la zone AMII (Appel à manifestation d’intention d’investissement). Il s’agit de la zone où Orange et SFR se sont engagés à raccorder l’ensemble des habitants à la fibre d’ici fin 2022.
Elle a admis que les deux opérateurs« sont en-dessous des objectifs qui ont été pris ». Mais le problème, c’est que l’autorité ne peut quasiment pas sévir sans l’amont du gouvernement, a indiqué la présidente lors du forum. « Maintenant, c’est au gouvernement de décider de nous saisir ou non ».
La question qui se pose alors est pourquoi l’autorité, pourtant indépendante, doit attendre le feu vert du gouvernement pour pouvoir exercer ses responsabilités ? Une situation préoccupante pour de nombreux acteurs de la filière, qui remettent en doute la pertinence de l’Arcep.
C’est le cas de Patrick Chaize, sénateur de l’Ain et président de l’Avicca, qui demande à ce que l’Arcep soit supprimée.
« L’Arcep n’a pas à attendre une injonction ou une sollicitation de la part des collectivités ou de l’Etat pour effectuer son travail de contrôle et de vérification des engagements des opérateurs. Si l’autorité n’est pas capable de jouer son rôle, alors il faut supprimer l’Arcep. » — Patrick Chaize, président de l’Avicca
Une mise en demeure mettrait en péril la bonne conduite du Plan France THD
La Tribune a interrogé l’Arcep à ce sujet, et l’autorité s’est défendue en avançant que les engagements d’Orange et SFR sur la zone AMII « ont été pris avec le gouvernement, et non avec l’Arcep ». Puis elle a ajouté : « C’est donc au gouvernement de nous saisir, au titre du L36.11 (article du code des postes et communications électroniques, NDLR), s’ils estiment que les engagements n’ont pas été tenus ».
Mais pour de nombreux observateurs de la filière dont le président de l’Avicca, cette affirmation est fausse. En effet, l’article L36.11 stipule que l’Arcep peut s’autosaisir « d’office » et « sanctionner les manquements qu’elle constate ».
Comme l’indique le quotidien, l’Arcep n’exercerait pas ses responsabilités de manière autonome par crainte pour le Plan France THD. L’autorité redouterait qu’une mise en demeure, entraînant une éventuelle sanction, engendre des attaques de la part d’un opérateur. Et une telle situation mènerait très certainement à une longue bataille judiciaire entre l’autorité et un opérateur, ce qui pourrait nuire à la bonne conduite du Plan France THD.
Une question prioritaire de constitutionnalité pourrait être soulevée
Une telle situation pourrait encourager un opérateur à mettre en place une QPC (question prioritaire de constitutionnalité), afin de dénoncer la légitimité de la présidente de l’Arcep.
Orange en a déjà soulevé une en 2019 pour dénoncer le pouvoir de sanction de l’autorité, avant de la retirer quelques jours plus tard. Cette dernière avait critiqué la qualité du réseau ADSL et mobile de l’opérateur, et l’avait menacé d’une amende d’un milliard d’euros.
L’opérateur historique avait alors menacé le pouvoir de sanction de l’Arcep en pointant du doigt « L’absence de séparation au sein de l’Arcep entre les équipes chargées d’écrire la règle, de contrôler son respect et de sanctionner les éventuels écarts », avait indiqué Stéphane Richard, le patron d’Orange.
Mais l’opérateur historique s’est dit prêt à relancer une QPC à l’encontre de l’Arcep en cas de besoin. Un contexte qui pousserait l’autorité à réfléchir à deux fois avant de mettre en place des sanctions à l’encontre des opérateurs.
Les commentaires des actualités restent ouverts 30 jours après publication. Si vous avez une question, cherchez la page appropriée dans nos sections Mobile, Internet ou TV et postez un commentaire.